Prévention combinée

Qu’est ce que la « prévention combinée » ?

Même si de nombreux succès ont pu contribuer à freiner l’épidémie de sida, avec notamment un accès aux traitements efficaces d’un nombre toujours plus important de personnes dans le monde (même s’il reste encore insuffisant au regard d’un accès universel), les efforts déployés depuis plusieurs décennies pour prévenir la transmission du VIH n’ont pas permis d’en endiguer l’expansion. Cette baisse de l’incidence cache en effet de profondes disparités dans certains pays ou régions, et/ou au sein de certains groupes de population, tant dans les zones d’épidémie généralisée que dans les pays d’épidémie concentrée.

L’un des enjeux essentiels réside aujourd’hui dans ce qu’il est convenu désormais d’appeler « la prévention combinée » qui vient signer un changement de paradigme dans la lutte contre le sida.

L’objectif de ce récent concept est de construire les synergies nécessaires entre les stratégies de prévention dites comportementales (visant à changer les comportements individuels et collectifs à risque de transmission du virus au profit de l’adoption de comportements plus sûrs), structurelles (visant à agir plus largement sur les facteurs sociaux, économiques, juridiques, culturels et éducatifs susceptibles de vulnérabiliser les personnes et les groupes les plus exposés à l’épidémie et de faire obstacle aux changements de comportement) et biomédicales.

Cette articulation tend à faire converger dans une approche globale, la prévention, le dépistage et le traitement. L’objectif de ce nouveau paradigme vise l’amélioration de l’efficacité de la prévention et la réduction du risque de transmission du VIH, tant pour le bénéfice des individus que pour la collectivité à l’échelle mondiale.

Si les deux premières stratégies ont longtemps composé la matrice des politiques de prévention, en France et au niveau mondial, l’approche biomédicale résulte des différents usages des ARV qui sont venus attester au fil du temps leur effet préventif sur la transmission du virus :

PTME : la prévention de la transmission de la mère à l’enfant (1994),

PEP ou TPE (1998), la prophylaxie post-exposition donnée après une exposition à du sang contaminé, ou après un rapport sexuel à risque, ou après contact avec du matériel d’injection potentiellement contaminé,

Traitement as Prévention (TASP) : l’usage des traitements antirétroviraux (ARV) à des fins thérapeutiques chez les personnes infectées par le VIH qui réduisent la quantité de virus présent dans le sang à un niveau très faible, et diminuent fortement le risque que la personne transmette le virus par voix sexuelle.

Les recherches scientifiques sur les capacités des traitements ARV à bloquer les mécanismes infectieux du VIH ont abouti à la mise en place d’un nouvel outil en cours d’étude (IPERGAY) :

Prophylaxie pré-exposition (PrEP) : cet outil consiste à proposer à des personnes non infectées d’utiliser des ARV pour se protéger du risque de contracter le VIH. Eu égard de ses spécificités cet outil relèvera d’un usage ciblé dans le cas de situations présentant un haut risque de contamination par le VIH et un échec ou une difficulté de prévention par les moyens « classiques », et non pas d’un usage plus large en direction de la population générale non infectée. En ce sens, l’usage de cet outil nécessite une approche «individualisée» des besoins en prévention des personnes. La PrEP fait actuellement l’objet de nombreuses recherches scientifiques et il n’existe pas pour l’heure en France de recommandations d’usage validées pour cette nouvelle utilisation des ARV en prévention. En parallèle de l’offre d’une réponse spécifique qu’elle propose à des problématiques de prise de risque fortement prévalentes chez certaines populations, elle suscite d’importants débats (risque de désinhibition dans les comportements et de compensation du risque, suivi médical complexe et contraignant, coût de la prise en charge, etc.).

Il apparaîtrait réducteur de penser l’outil PrEP uniquement dans un rapport de concurrence avec les autres outils et notamment le préservatif, sans l’inscrire dans la globalité de la démarche préventive. La PrEP est un outil complexe et exigeant qui requiert plus un investissement accru de la personne dans une démarche active de prévention qu’un abandon pur et simple des préoccupations préventives (dépistage, counseling, acquisition de connaissances et de savoir-faire, contact réitéré avec une structure de prévention et/ou au moins avec le médecin prescripteur).

Le développement de l’approche biomédicale s’associe à un renforcement du recours au dépistage en population générale (une campagne a été récemment lancée par le Ministère de la santé en France par l’intermédiaire des médecins généralistes afin de les proposer plus systématiquement en consultation) puisqu’on estime qu’en France environ 50 000 personnes seraient séropositives sans le savoir, et n’abandonne pas le discours sur l’efficacité de l’usage des préservatifs (masculins et féminins) en prévention.

Un nouvel outil a récemment vu le jour sous l’appellation TROD, qui consiste en un Test de dépistage Rapide à Orientation Diagnostique. Il correspond à un « test unitaire, à lecture subjective, de réalisation simple et conçu pour donner un résultat dans un délai court (moins de 30 minutes généralement) ; le prélèvement de sang est pratiqué sur le bout d’un doigt et la goutte récoltée déposée sur une bandelette réactive. En cas de résultat positif un test classique de dépistage sera réalisé pour confirmation. Ce test peut être réalisé par toute personne formée à son utilisation, la lecture du résultat et au counselling.

La prévention combinée s’inscrit donc dans un contexte en faveur de la remobilisation de l’ensemble des acteurs de la lutte contre le sida et implique de promouvoir l’usage croisé et complémentaire des nouveaux outils et la palette des moyens déjà disponibles, afin d’accorder une large place à l’enjeu de renforcer l’autonomie des individus, de leur donner les moyens d’articuler efficacement ces outils pour un usage éclairé et raisonné, susceptible de leur permettre de construire des stratégies personnelles de prévention plus ajustées à leur situation, leurs contraintes, leurs désirs et leurs pratiques.

Petit lexique de la prévention combinée

  • ARV : Antirétroviraux
  • Counselling (relation d’aide) : pratique relationnelle et empathique qui permet à la personne de trouver, à travers les échanges avec le « counsellor », ses propres solutions aux problèmes qu’elle rencontre
  • Ipergay : Intervention préventive de l’exposition aux risques avec et pour les gays. Cet essai clinique franco‐québécois évalue une stratégie de prévention auprès d’homosexuels masculins séronégatifs fortement exposés au risque VIH, en proposant de prendre un traitement antirétroviral avant tout rapport sexuel.
  • IST : Infection sexuellement transmissible
  • PrEP : prophylaxie pré‐exposition
  • RdR : Réduction des risques
  • sida : Syndrome immuno‐déficitaire acquis
  • TasP : Treatment as Prevention (traitement comme prévention)
  • Test and Treat : Tester et traiter (mettre en place des dépistages massifs et traiter immédiatement les personnes dépistées séropositives
  • TPE : Traitement post‐exposition
  • TROD : Test rapide d’orientation diagnostique
  • VIH : Virus de l’immunodéficience humaine
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